En début de saison, suite à une conjonction de facteurs principalement humains que je vous épargne ici, l’une des parcelles que l’on me prête contre de bons soins potagers s’est vue privée d’irrigation. Au départ, cette nouvelle a suscité en moi un melting pot d’émotions pas forcément agréables, ni faciles à gérer : surprise, incompréhension, déception, tristesse, injustice, frustration, accablement, agacement… Je me suis creusée les méninges pour trouver d’autres moyens d’avoir accès à une conduite d’eau etceteri etcetera. Mais finalement, ne parvenant à aucune solution conjuguant une faisabilité pratique et le respect de mon éthique personnelle, j’en suis arrivée à un point où j’ai simplement lâché prise.
Au lieu de m’escrimer à lutter contre ce qui est et sur lequel je n’ai aucun pouvoir d’action, ce qui me demandait pas mal d’énergie (notamment dédiée à la cogitation et aux émotions) et n’avait clairement pas tendance à nourrir les parts légères et joyeuses de ma personne, j’ai changé de perspective et envisagé la situation comme un défi, un jeu, une expérience que la vie m’offrait sur un plateau d’argent, que dis-je d’or, d’emprunter une voie que je n’aurais pas prise sans cela : j’ai tout simplement décidé de me passer d’arrosage extérieur dans cet espace, pourtant très exposé au soleil dans une région qui n’en manque pas.
Après avoir transplanté tous mes bébés végétaux sur les autres terrasses que je cultive et en avoir donné à celles et ceux de mon entourage qui en avaient besoin, il me restait encore quelques dizaines de plants de tomates (évidemment les plus chétifs et les moins précoces) et environ 5 plants de courge. J’ai choisi de les implanter sur cette parcelle sans eau. Pour ce faire, j’ai creusé des trous plus profonds et plus larges qu’à mon habitude et garni ces cuvettes de terre, mêlée à des orties, de la cendre, du charbon de bois et même des éclats de pots en terre cuite et des billes d’argile que j’avais justement trouvés abandonnés aux conteneurs locaux. La terrasse étant légèrement en pente, j’ai installé la plupart des rangs cultivés perpendiculairement au sens de cette inclinaison et creusé des petits canaux de part et d’autre des planches de culture afin de ralentir l’écoulement des pluies, dans l’espoir de leur laisser le temps d’hydrater mes plantations avant de s’en aller plus bas ou de s’infiltrer plus profondément dans le sol. J’ai évidemment paillé abondamment les planches de culture avec le mulch des désherbages des planches elles-mêmes ainsi qu’avec du vieux foin récupéré chez des voisins.
Les premières semaines après la transplantation, vu la puissance du rayonnement solaire, j’ai récupéré un tas de cagettes que j’ai utilisées pour ombrager les plantules et les protéger du dessèchement. Cette idée ne pouvant pas convenir à des plants plus grands, je me suis empressée de semer des haricots à rames qui ont ensuite pris le relais et créé un écran végétal le temps que les tomates soient assez grandes pour gérer l’ensoleillement par elles-mêmes (une fois la trajectoire du soleil si haute que l’action de l’ombre portée des haricots se restreint).
Enfin, face aux orages inattendus et plus fréquents qu’à l’ordinaire par ici, quelques longueurs de ferraille, tôles et tonneaux de récupe associés à un bout de de gouttière acheté au magasin de bricolage ont suffi à mettre en place une mini récupération d’eau intégralement démontable pouvant dépanner en cas de situation d’urgence. Je me dois d’ailleurs évidemment de mentionner qu’il a plu ici davantage que d’autres étés et que le ciel m’a donc bien prêté main forte cette année !
Le fait est que les tomates chétives au début de l’été portent maintenant une ribambelle de fruits verts qui mûrissent progressivement, que j’ai déjà pu manger de délicieux haricots et courgettes provenant de cette parcelle et surtout, car c’est sans aucun doute ce qui me nourrit le plus sur ce coup-là, que j’ai pu transmuter en plaisir, en jeu, en inventivité, en apprentissage et surtout en gratitude les émotions que j’évoquais au premier paragraphe de cet article. Désormais, chaque fois que je vais travailler sur cette parcelle, prendre soin des plantations qui l’occupent, récolter, je sens au centre de ma poitrine un espace tout chaud, vibrant, rayonnant un immense merci. MERCI à la terre, aux semences, au ciel, à tous les facteurs et toutes les personnes ayant joué un rôle dans cette situation et merci à moi aussi ! Comme quoi, la force du lâcher prise est encore une fois surprenante et puissante au-delà de l’entendement, comme quoi, des situations qui ont l’air pourries et inextricables à première (et même à deuxième :p) vue peuvent prendre une tournure bénéfique et enrichissante alors qu’on ne l’attendait pas si on accepte de les envisager depuis une perspective différente… Quelle aventure incroyable que la vie sur cette planète !!
Dame nature t’aime
et tu lui rends bien
la gratitude de part et d’autre en quelque sorte!!
J’aime aussi te lire.
Quelle clarté et quelle » proximité »dans ton propos. So fluently !
Merci Sarah