Il y a un an et demi, à la fin du printemps 2021, j’ai pris la route avec Sauvage, mon fidèle compagnon félin, en camion cocon vers une chouette expérience : un chantier collectif de myciculture en Normandie. Myci-quoi ?! Myci (champignon) culture (ça tu connais, non ?) ou fungiculture, c’est donc la mise en culture volontaire de champignons comestibles. Sur place, à la ferme de l’Escargotier logée dans l’écrin du très joli marais Vernier, quelques jours et les précieux conseils d’Yves Joignant auront suffi pour apprendre les bases de la technique de culture en extérieur sur rondins.
Point info sur les champignons : Dans la conception des humain-e-s, le règne fongique constitue un règne à part, à côté du règne végétal, du règne animal et du règne minéral. Les champignons sont dépourvus de chlorophylle et donc pas équipés pour la photosynthèse. Ils ont par conséquent développé d’autres stratégies pour se nourrir et croître. Selon les catégories et pour faire simple, disons qu’ils sont en mesure de décomposer des matières organiques (vivantes ou non-vivantes) en composés organiques simples afin d’en mobiliser les nutriments. Nous nommons souvent ‘champignon’ la partie visible de l’iceberg, à savoir le macromycète ou encore sporophore mais le champignon comprend aussi et surtout, vu son ampleur, une partie souterraine sous la forme de mycélium (filaments ramifiés souvent blanchâtres secrétant justement les enzymes puissantes permettant de décomposer les matières organiques).
Il existe diverses techniques pour cultiver les champignons en intérieur, en extérieur, sur différents substrats (paille, marc de café, bois etc.) et cet article va porter sur ma seule expérience personnelle en cours en la matière : la culture de pleurotes en extérieur sur rondins de peuplier.
J’ai eu l’élan de me lancer dans cet apprentissage suite à une conversation enrichissante avec Steve Read à propos du potentiel du terrain qui abrite une partie de mes rêves dans les montagnes ardéchoises. Et v’là ti pas qu’au début de cette année, la visite d’un spécialiste des arbres sur le terrain en question recommande l’abattage de trois grands peupliers malheureusement devenus dangereux car pourris de l’intérieur. Bon, et bien, on dirait que la vie m’invite à mettre en pratique les enseignements normands. Qu’à cela ne tienne, je décide de répondre présente à cette invitation.
Aussitôt dit, aussitôt fait ! Euh non, en réalité, plus vite dit que fait… et heureusement que je n’ai pas froid aux yeux (ni au cœur, d’ailleurs) car la concrétisation de ce projet a requis et requiert toujours actuellement beaucoup de temps, d’énergie et de persévérance !
Pour commencer, il a fallu mettre au sol les trois populus géants et vu leur calibre, c’était déjà une sacrée mission. Heureusement, j’ai pu compter sur l’aide et l’expérience de quelques amis pour la mener à bien. Plusieurs jours ont été nécessaires pour tomber les arbres et les débiter. D’une part, nous avons entassé les parties dégradées et les tronçons de moins de 15 cm de diamètre pour créer à l’avenir des espaces de culture de légumes (projet 12 586 sur ma liste :D). Et d’autre part, nous avons rassemblé en deux endroits différents (à la fois pour tester et pour s’épargner trop de manutention) les tronçons sains d’au moins 1 mètre de long et 15 cm de diamètre. Ce sont précisément ceux de cette deuxième catégorie qui ont ensuite été ensemencés avec du mycélium.
Plusieurs éléments sont déterminants dans la réussite de la culture de champignons en extérieur :
- le climat : les champignonnières doivent être installées dans un lieu humide, à l’abri du vent, en semi-pénombre (pas ou très peu d’ensoleillement direct)
- la taille des rondins : au moins 1 m de long et 15 cm de diamètre
- la qualité de l’écorce des rondins : entière et sans entaille pour éviter le dessèchement du rondin et les invasions
- l’essence du bois en adéquation avec la variété de champignon choisie : ici, la pleurote convient à un bois tendre comme le peuplier
- le moment de l’abattage des arbres : de préférence en hiver ou au printemps
- le moment de l’inoculation ou ensemencement : entre 3 semaines et 4 mois après l’abattage et de préférence maximum fin mai
Pour cette première expérience concrète, les peupliers ont été abattus en avril et ensemencé à la fin du mois de mai. Deux espaces ont été choisis pour établir les champignonnières, en bord de rivière sous des arbres à feuillage caduc, à environ 770 mètres d’altitude. J’ai acheté en tout 90 litres de mycélium de trois variétés de pleurotes différentes (une grise, une jaune et une marron) ensemencé sur millet en laboratoire et livré par un camion réfrigéré. Cette quantité de mycélium m’a permis d’inoculer environ 6 mètres de cube de peuplier en utilisant la technique des entailles à la tronçonneuse.
Comme indiqué au début de l’article, c’est la technique qu’utilise Yves pour ensemencer des peupliers dans le marais Vernier. Elle convient particulièrement à une culture à moyenne ou grande échelle. Si vous voulez vous tester à petite échelle à la maison, d’autres façons de faire pourront être appropriées (les chevilles, par exemple, mais je vous laisse faire vos recherches en ce sens car je n’en ai pas fait l’expérience personnelle). De notre côté, il s’agit de créer tous les 20 à 25 cm environ, avec la pointe du guide de votre tronçonneuse, des mortaises d’à peu près 1,5 cm de large qui dépassent en profondeur le centre du diamètre de votre rondin.
Une fois votre rondin suffisamment entaillé, vous comblez les mortaises à ras bord sans tasser le mycélium et vous obturez les entailles à l’aide d’un morceau de bois vert du même arbre inséré à serrage afin de tenter d’empêcher toute invasion et/ou concurrence pendant la phase où le mycélium va coloniser l’ensemble du rondin. L’entaillage et l’inoculation doivent avoir lieu simultanément. Attention, n’oubliez pas d’étiqueter vos rondins si vous ensemencez plusieurs types de champignons sous peine de vous mélanger les pinceaux par la suite.
Il convient alors de mettre en tas les rondins ainsi préparés et de les bâcher pour laisser la colonisation suivre tranquillement son cours. Côté pleurote, une année suffit pour que le champignon s’installe et qu’on puisse passer à la phase suivante : la création des champignonnière à proprement parler. Sujet du prochain épisode de cette série…
l’amie cause ….toujours
Si seulement je ne faisais que causer, je transpirerais moins 😀
toujours génial ce que tu présentes
Salut Sarah, merci pour ces infos ,on se vois cette hiver on a pleins de choses à discuter ensemble , au coin du feu !
Oh yeah !