À l’heure où le monde des semences est secoué par une décision de justice incroyablement illogique et injuste justifiant l’interdiction du commerce des semences de variétés anciennes au seul motif, jugé supérieur, d’une « productivité agricole accrue » (décision rendue le 14/07/2012 dans l’affaire Kokopelli c. Baumaux), récolter les graines sur ses plantes ne constitue plus seulement un geste ordinaire de jardinier mais aussi un acte militant.
En effet, si nous n’agissons pas pour protéger les variétés dites anciennes, c’est tout bonnement la biodiversité de notre environnement qui disparaîtra (comme en atteste ce rapport de la FAO estimant déjà à 75% la perte de diversité végétale depuis le début du XXe siècle). Il nous revient donc aujourd’hui, au travers de gestes ancestraux et simples, de protéger cet héritage, ce véritable patrimoine de l’humanité. Évidemment, produire ses propres semences, c’est aussi renforcer son autonomie et son indépendance alimentaire : quel plaisir de voir ainsi se boucler le cycle de la vie végétale dans son propre jardin !
Comment récolter ses propres semences ?
Je n’ai pas la prétention de développer ici les moindres détails de la production de semences (que vous retrouverez par ailleurs dans de nombreux ouvrages) mais juste de vous exposer les principes généraux découverts grâce à ma modeste expérience pratique. Jusqu’ici, pas besoin de matériel particulier et je dirais que le plus l’important est d’observer les plantes régulièrement pour voir à quel stade elles en sont.
Pour commencer, il est utile de savoir que l’on trouve les graines après la fécondation, en laissant « monter en graines » ou se développer puis sécher un plant au choix, voire en les prélevant dans des fruits arrivés à maturité. Il convient de sélectionner le plant qui présente les caractéristiques que vous souhaitez reproduire (ex : robustesse, production précoce/tardive, taille des fruits…). Bien entendu, il faut donc éviter de récolter ses graines sur des plantes malades.
Concernant les plantes à fleurs, il vous suffit de laisser fâner et sécher certaines fleurs sur la plante jusqu’à maturation des graines. En fonction des espèces, il ne faut parfois pas être trop pressé et toujours bien attendre que la partie de la plante dans laquelle sont logées les graines fonce, voir s’ouvre d’elle-même. En général, une fois arrivées à maturité, les graines se détachent facilement de la plante. Selon les variétés, il faut parfois trier les graines récoltées et éliminer les ‘déchets’ avant la conservation (ex: l’enveloppe ou la capsule de la graine, les graines qui ne se sont pas bien développées…).
Du côté des plantes à fruits, c’est le fruit bien mûr qui fournira les graines. Il s’agit souvent d’un fruit bien coloré. En général, il suffit de l’ouvrir pour trouver les semences. Si ces dernières sont très petites, on peut écraser le fruit sur un essuie-tout et laisser sécher les graines.
Pour la plupart des plantes que je cultive, la récolte des semences a lieu entre le milieu de l’été et le début de l‘automne, de préférence un jour sec.
(Pour info : quelques rares plantes potagères ne fleurissent pas et ne produisent pas de graines, ou encore, fleurissent sans donner de graines viables. Il faut alors les multiplier non pas par semis, mais en les bouturant ou en les divisant.)
Comment conserver ses semences ?
1. Laisser bien sécher les graines après les avoir récoltées (par exemple sur de l’essuie-tout) pour éviter toute moisissure et obtenir une bonne germination l’année suivante.
2. Une fois, les graines bien sèches, les stocker dans des petits sachets en papier (j’utilise personnellement ce pliage très facile pour créer ces pochettes). Attention : ne pas oublier d’indiquer sur le sachet le nom de la variété et l’année de récolte. (On peut aussi y ajouter le lieu de récolte, la couleur, la période de floraison…)
3. Conserver les sachets de graines à l’abri de la lumière et de l’humidité.
Toutes les graines n’ont pas la même durée germinative et certaines perdent leur pouvoir de germination plus rapidement, mais heureusement, on peut en récolter tous les ans. D’ailleurs, si on a produit trop de graines par rapport à sa surface de culture, autant en faire profiter son entourage en les échangeant, les partageant, les offrant !
Avant de semer…
Rien n’empêche de s’assurer des propriétés germinatives de ses différentes graines en cas de doute pour éviter de gaspiller de l’espace (ou du terreau).
Il suffit de plier une feuille d’essuie-tout ou de buvard en quatre ou plus et de l’humidifier. Ensuite, y poser 10 graines de chaque variété à tester entre deux couches et glisser le tout à plat dans un petit sac plastique fermé (de type congélation, par exemple). Comme dans le cas des sachets de conservation, ne pas oublier d’indiquer le nom de la variété et la date sur le sac plastique.
Après quelques jours à peine pour la plupart des variétés, observer combien de graines ont germé : sous la moitié, considérer que le taux est faible.
(Astuce en passant : on peut aussi recourir à cette méthode pour faire germer les graines à levée difficile avant de les mettre en terre.)
Allez, hop, au boulot : on quitte son écran et on court au jardin pour se lancer ! 🙂
Pour en savoir plus sur la question essentielle des semences, n’hésitez pas à lire le dossier de Nature et Progrès qui en a fait son thème privilégié pour 2011-2012 et oeuvre déjà depuis des années en faveur des variétés locales et anciennes. Un processus de création de Maison citoyenne de la semence est même en cours au sein de l’association.
Quelques idées pour se procurer des graines de ces variétés menacées : rendre visite à Semailles sur place ou en ligne, devenir membre des Jardins de Pomone, se rendre au salon Valériane, des initiatives comme le site Graines de troc... ou bien entendu, trouver une personne de son entourage qui pourra fournir de quoi débuter et produire ses semences par la suite !
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